Vincent Gouriou — Labourage et pâturage

Galerie Obsession, Paris 11e
Exposition temporaire du 4 mars au 5 avril 2025

Entre la Bretagne et le Massif Central, Vincent Gouriou rencontre des paysans queer. Ensemble, ils prennent le temps de se connaître, de laisser la confiance s’installer entre eux. La question du temps est fondamentale ici puisque rien ne presse. Les corps sont accordés à celui du vivant : un temps long, ancestral. Au fil des moments passés ensemble, l’artiste s’infiltre dans le quotidien de chacune des personnes. Ainsi, les hommes photographiés font pleinement partie d’un écosystème qu’ils ont choisi : celui de la ferme et de ses alentours. Un milieu au sein duquel les corps, humains et plus-qu’humains, sont affectés par le vivant, au sens le plus large du terme. La neige, le vent, la pluie, le froid, la chaleur, les arbres, les fruits, les légumes, l’herbage, le foin, les lumières, la terre, tous les ingrédients fondamentaux de ces écosystèmes infusent et influent sur les corps. Une symbiose se fabrique entre les uns et les autres. Celle-ci se manifeste par le soin et l’affection des gestes, des regards attentionnés. Par l’image, Vincent Gouriou souligne la douceur des contacts : la main de l’éleveur sur la langue de la vache, la tendresse d’une caresse sur la joue d’un bélier, un corps nu dans un étang d’eau, le cou du cygne qui se love autour de celui du paysan, le corps à corps avec le cheval. Une peau à pelage/plumage dont nous ressentons la dimension fusionnelle. L’artiste recherche aussi une sensualité érotique du vivant : les odulations des troncs d’arbres, une main tenant une bogue de chataignes, un bouton de rose gorgé d’eau, les roches. Une alliance collective est désirée.

Une expérience amoureuse du vivant traverse les photographies. Celle-ci pourrait d’ailleurs
s’inscrire dans le mouvement aussi théorique qu’artistique de l’écosexualité. Annie Sprinkle
et Beth Stephens (artistes, militantes, chercheuses queer en Californie) en ont non
seulement rédigé le manifeste, mais ont aussi une pratique quotidienne de cet amour
inconditionnel du vivant. Avec une conscience écologique et féministe, elles engagent à aimer non plus la “terre mère” mais le vivant comme un.e amant.e. Il s’agit alors de
l’érotiser pour mieux le protéger. Annie Sprinkle et Beth Stephens écrivent en 2011 : “Nous
sommes aquaphiles, terraphiles, pyrophiles et aérophiles. Nous embrassons sans vergogne
les arbres, massons la terre avec nos pieds et parlons érotiquement aux plantes. Nous
sommes des plongeurs nus, des adorateurs du soleil et des observateurs d’étoiles. Nous
caressons les rochers, adorons les cascades et admirons les formes de la Terre. Nous
faisons l’amour avec la Terre à travers nos sens.”

Les photographies de Vincent Gouriou sont nourries de ces rapports sensoriels (dévorer une fraise à pleine bouche) et sensuels (les corps d’hommes nus fusionnent avec la végétation, les sols ou étendues d’eau). Un sentiment apaisant nous traverse à la vue des photographies qui attestent de manières plurielles d’agir dans nos lieux : la douceur, l’affection mutuelle, le refus de la domination, le compagnonnage, la tendresse, le respect, le soin et l’amour (parce qu’il en faut beaucoup…).

— Julie Crenn


– Ce métier n’est pas pour les gens comme toi !
– Les gens comme moi ?
Le voilà, plein de l’odeur du miracle d’une nouvelle vie. Lorsque le soleil se lèvera, il s’en ira la dissoudre dans l’eau du canal. Les gens comme lui ?

Depuis l’aube du monde, ils sont les passagers clandestins, relégués dans les coulisses des villes ou cachés au creux des chemins de campagne. Ils se sont bâtis là une société à leur image. Ils l’ont habillée de leurs sombres appétits et l’ont assaisonnée de leurs désirs multicolores. Beaucoup se sont réfugiés dans le ventre violent des villes, mais d’autres sont restés nichés dans les replis des campagnes. Ceux-là ont épousé la terre, ils la cultivent et prennent soin de sa progéniture. Ils se sont fait bergers ou bouviers et mettent au monde des milliers d’enfants. Ils ont vécu là des éternités d’ostracisme avant que le vingtième siècle finissant, lassé des ghettos et des anathèmes, ne les éclaire enfin de ses lumières pour les révéler au monde. Libres, ils offrent leur beauté aux regards ébahis et se donnent à voir tels qu’ils sont. Là-bas, après avoir cherché à se voir dans un endroit plus confortable, ces deux ont renoncé et vont s’étreindre dans l’urgence et l’inconfort d’un sous-bois. Ailleurs, c’est tout au bout d’un long chemin de sable que d’autres se collent aux rochers encore tièdes. Leurs mains se cherchent et leurs coeurs battent au rythme de l’océan.

— Jean Chauzy

Accès et horaires

La Galerie Obsession est ouverte du mardi au samedi de 14h à 19h, ou sur rendez-vous. Cliquez sur la carte ci-dessous pour ouvrir un nouvel onglet avec un plan Google Maps.

Galerie Obsession
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